Pour son second long métrage Judith Davis, à une époque où nos idéaux et nos utopies se perdent, nous propose une film plein d’humour qui explore nos fractures sociales et les injonctions de notre société actuelle : consommer, être les meilleurs, être sans cesse connectés afin de s’en désintoxiquer et de pouvoir réinventer du lien avec les autres.
Le synopsis est le suivant : Jeanne quitte pour quelques jours le stress de la vie urbaine pour aller voir sa grande amie Elisa, récemment installée à la campagne. Au cœur des bois voisins, un château abandonné devenu un tiers-lieu de vie, foisonne d’initiatives collectives. Elisa aimerait s’y investir, mais entre biberons et couches lavables, elle n’en a pas le temps. Jeanne, en militante des villes, n’y voit aucun intérêt. Quant à Amaury, promoteur en hôtellerie de luxe, il veut acquérir le château pour en faire un complexe hôtelier *****. Combien de temps cet asile d’aujourd’hui pourra-t-il résister à ce monde de fou ?
Catherine Merveilleux : Dans votre premier long métrage Tout ce qu’il me reste de la révolution vous raviviez les Idéaux de gauche à une époque où les idéaux se perdent et où les hommes perdent leurs illusions. Dans Bonjour l’asile ! vous persévérez dans l’exploration des fractures sociales à une époque contemporaine où l’idée de révolution a perdu de son éclat, à travers les portraits de ces deux amies éloignées géographiquement et par leur mode de vie. Pourquoi avez-vous eu envie d’aborder à nouveau cette thématique ?
Judith Davis : Dans mon premier film, je m’interrogeais sur l’héritage des luttes de la génération de mes parents, celle des années post 68. Dans celui-ci, je voulais approfondir l’idée que notre société contemporaine est impactée par des idéologies et explorer différentes façons de vivre sur lesquelles on peut néanmoins s’interroger.
C.M. : Vous avez fait le choix d’aborder ces sujets de société par le biais de l’humour…
J.D. : Le film met en évidence les contradictions d’un couple écolo où, malgré les meilleures intentions du monde, l’équilibre domestique reste inégal.
C.M. : Vous abordez la charge mentale des femmes; Est-ce une thématique importante pour vous ?
J.D. : Le travail invisible des femmes est une réalité statistique : elles assument 75 % des tâches ménagères, et ce déséquilibre s’aggrave souvent avec des initiatives comme le zéro déchet, qui rajoutent de la charge. Le fait d’aborder ces sujets avec humour permet à chacun de se reconnaître sans se sentir accusé. L’humour est une arme puissante…
C.M. : Votre film est une apologie du Vivre ensemble.
J.D. : Le retour à la nature permet aux gens de se désintoxiquer des injonctions contemporaines : consommer, être les meilleurs, être sans cesse connectés et de réinventer leur lien aux autres. Ils se redécouvrent et redécouvrent les autres.
C.M. : Votre film est une comédie politique qui donne envie de préserver et de retourner à la nature…
J.D. : Oui,nous sommes coupés de la nature. Dans les ZAD, j’ai vu des personnes recréer des liens avec leur environnement en buvant symboliquement avec un arbre. Cela peut sembler naïf, mais ce type de rituel ludique est une manière de renouer avec une réalité essentielle.
C.M. : Votre film est aussi une histoire d’amitié entre deux femmes qui se connaissent depuis longtemps et ont un projet commun : un livre qui relève l’absence de pont entre les intellectuels et les Gilets Jaunes…
J.D. : Effectivement. J’aimais cette idée de lier leur relation affective forte à des convictions et à une réflexion sociétale.
C.M. : Vous travaillez souvent avec la même équipe…
J.D. : Nous avons créé le collectif théâtral L’Avantage du doute en 2007. Quand j’écris, je pense aux acteurs et actrices que je connais bien. Je connais leurs sensibilités. Nous nous comprenons, cela favorise la création et donne une dynamique de groupe particulière à mes films car nous partageons une même vision.
Mon avis : Une satire politique qui donne envie de se recentrer sur l’essentiel: la Nature, l’amitié et la solidarité
Réalisatrice : Judith Davis
Casting : Judith Davis, Claire Dumas, Maxence Tual
Date de sortie : 19 février 2025
UFO Distribution, Agat Films, Judith Davis, Bonjour l’Asile !, lejouretlanuit, Le Jour et la Nuit Presse, Catherine Merveilleux

L'auteur
Catherine Merveilleux
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Catherine Merveilleux est la Rédactrice en chef du Magazine Le Jour & La Nuit depuis la création du média en 1996. Philosophe de formation, elle a longtemps enseigné avant de créer Le Jour & la Nuit. Libre et indépendante, elle n’est inféodée à aucun parti et analyse ce qu’elle constate sans aucun préjugé. Ennemie de la Pensée unique, elle rend compte à ses lecteurs en toute impartialité et en toute objectivité des événements auxquels elle a assisté avec pour unique objectif de ne pas travestir la vérité. Elle est l’auteur de deux romans et de plusieurs essais. Passionnée d’information et de culture, elle a à cœur de faire partager à ses lecteurs son amour du cinéma, de l’art, de la gastronomie et de la fête. Loin du bashing ambiant, elle s’efforce de montrer tout ce qui est est beau à Marseille, cette ville au potentiel incommensurable qui ne demande qu’à se révéler.
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