La réalisatrice Mona Achache vient de réaliser un film très intime et très émouvant intitulé «Little girl blue». Marion Cotillard y incarne Carole, la mère propre mère de la réalisatrice. Présenté en compétition officielle au denier festival de Cannes, le film sortira en salle le 15 novembre prochain.
À la mort de sa mère, qui s’est pendue sans laisser un mot d’explication à ses proches, Mona a découvert 25 caisses en plastique contenant des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements. D’abord réticente, elle a hésité à en prendre connaissance. Lorsqu’elle a enfin osé le faire parce qu’elle avait besoin de comprendre, de libérer quelque chose d’enfoui, elle a été fascinée par la découverte d’une photo de sa mère jeune, belle, libre, lumineuse, si différente de la mère «douloureuse» qu’elle avait connue, «intenable dans sa manière de vivre». «J’ai alors eu envie de mettre du beau dans son histoire afin de la transmettre à mes enfants, afin de rompre le mythe familial selon lequel, il y avait une malédiction des femmes dans notre famille. J’ai voulu comprendre l’histoire de cette femme qui avait vécu des événements tragiques et douloureux mais aussi de belles rencontres. J’ai alors décidé par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation de la ressusciter pour rejouer sa vie. C’était un défi fou. J’ai demandé à Marion Cotillard de l’incarner en lui donnant ses vêtements, ses bijoux, ses papiers d’identité, ses lunettes, son parfum. Choisir Marion a été pour moi comme une évidence, tant sa ressemblance avec la première photo découverte était évidente. Sa générosité a permis à mon fantasme de se réaliser. La lumière qui émane d’elle a permis à ma mère de sortir de ses ténèbres. Le choix de Marion Cotillard s’est tout de suite imposé à moi et j’ai réussi à avoir avec ma mère, post mortem grâce à l’ empathie de Marion et grâce à son talent, le dialogue que je nous n’avions jamais pu avoir de son vivant. Marion n’a pas interprété le personnage de ma mère, elle s’est métamorphosée en ma mère. Elle a fusionné avec elle.
J’ai réalisé en quelque sorte une enquête sur ma mère, tout comme ma mère Carole, auteure, l’avait fait sur sa propre mère, Monique Lange et celle ci sur sa propre mère auparavant. Élevée dans le milieu littéraire de l’après-guerre, dans le microcosme avant-gardiste de Saint-Germain-des-Prés par ma grand-mère, Monique Lange, elle-même écrivaine, Carole se laisse aspirer puis détruire par ce milieu. Elle rencontre Marguerite Duras, Jean Genet, qui a un rôle capital dans sa descente aux enfers et son attirance pour la transgression… Pourquoi Monique Lange, sa mère a-t-elle été complice de la destruction de ma mère, pourquoi ma grand-mère n’a-t-elle rien dit ? Etait-ce parce que c’était une certaine époque, avant Me Too ? Etait-ce parce qu’elle avait une admiration sans bornes pour Jean Genet ? Aujourd’hui en prenant connaissance des témoignages postérieurs au mouvement Me Too et quand je me remémore des livres comme le Consentement de Vanessa Springora, je prends conscience que le cas de ma mère n’était pas un cas isolé, que c’était un phénomène de société et que depuis la parole s’est libérée.
Saint-Germain-des-Prés était un microcosme emblématique et précurseur où tous les débordements ont eu lieu en premier, mais le phénomène s’est ensuite produit dans tous les milieux sociaux. Ma mère en est un dommage collatéral. Elle s’est ensuite très probablement identifiée à Abdallah, le jeune amant de Jean Genet qui s’est suicidé. Cela a sans doute eu une incidence sur son propres suicide des années plus tard…
Par le biais de ce film, dans une espèce de tradition matriarcale, je reprends en quelque sorte le flambeau de ma mère et de ma grand-mère, peut-être pour retrouver la sérénité et rompre avec toutes ces failles, ces traumatismes et « la malédiction» mais surtout pour transmettre la paix et quelque chose de beau à mes enfants.» confie Mona Achache
Sortie : le 15 novembre
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L'auteur
Catherine Merveilleux
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Catherine Merveilleux est la Rédactrice en chef du Magazine Le Jour & La Nuit depuis la création du média en 1996. Philosophe de formation, elle a longtemps enseigné avant de créer Le Jour & la Nuit. Libre et indépendante, elle n’est inféodée à aucun parti et analyse ce qu’elle constate sans aucun préjugé. Ennemie de la Pensée unique, elle rend compte à ses lecteurs en toute impartialité et en toute objectivité des événements auxquels elle a assisté avec pour unique objectif de ne pas travestir la vérité. Elle est l’auteur de deux romans et de plusieurs essais. Passionnée d’information et de culture, elle a à cœur de faire partager à ses lecteurs son amour du cinéma, de l’art, de la gastronomie et de la fête. Loin du bashing ambiant, elle s’efforce de montrer tout ce qui est est beau à Marseille, cette ville au potentiel incommensurable qui ne demande qu’à se révéler.